DEUS SALVUM FACET

L'histoire du marquisat des Îles d'Or

 

LE

MARQUISAT DES ÎLES D'OR,

PAR M. JOSEPH FOURNIER,

Archiviste adjoint des Bouches-du-Rhône,
Correspondant du Ministère de l'instruction publique,
Secrétaire de la Société de géographie de Marseille.

I

Nous ne prétendons point faire ici l'histoire des îles d'Hyères ; notre but est plus modeste : il tend simplement à fournir, à l'aide de documents peu connus, quelques détails intéressants sur le fief constitué par ces îles, à partir de François 1er, sous le titre si coloré et harmonieux de Marquisat des Îles d'Or. Ceci n'est donc qu'une page de l'histoire seigneuriale du marquisat, une contribution modeste au travail d'ensemble qu'on souhaiterait voir entreprendre sur ce petit archipel provençal tout baigné d'azur et de soleil.

Divers ouvrages ont parlé des iles d'Hyères, les Stœchades, ainsi nommées dans l'antiquité, mais, sauf une exception[i], aucun n'a précisé ce qu'était le marquisat des Îles d'Or, si ce n'est pour en relever l'appellation pleine de saveur, qui ferait croire à un nouveau jardin des Hespérides.

Ce nom de Stœchades (Stœchades insulæ), assigné aux îles d'Hyères par les géographes de l'antiquité, a donné lieu à une confusion provenant de ce que certains auteurs anciens, tels Pline et Dioscoride, l'ont également attribué aux petites îles du golfe de Marseille. Après avoir rapproché les divers textes relatifs aux Stœchades, un géographe éminent formule ainsi ses conclusions :

« Il résulte de tous ces textes comparés entre eux :
1 er qu'il y avait deux groupes de Stœchades, les grandes et les petites ;
2 e que les petites étaient près de Marseille, et les grandes en face d'Hyères ;
3 e que les petites étaient au nombre de deux et les grandes au nombre de trois ;
4 e  que les deux petites correspondaient aux îles rocheuses de Ratonneau et de Pomègues, dans la rade de Marseille, et les trois grandes à Porquerolles, Port-Cros et à l'île du Levant, dans la rade d'Hyères
[ii]. »

Le nom de Stœchades[iii], assez bizarre du reste, n'a pas survécu à l'antiquité, et les textes du moyen âge – assez rares, il est vrai – mentionnant les îles d'Hyères, les désignent sous leur nom le plus usuel, celui que leur donne la ville d'Hyères, dans le voisinage de laquelle elles se trouvent placées, et dont elles n'ont cessé de relever au point de vue administratif. C'est ainsi qu'une ordonnance du comte de Provence, Raymond-Bérenger V, du 22 décembre 1227, concernant l'église d'Arles, ordonnance souscrite à Aix, en présence de Rolland, abbé des îles d'Hyères, - comme à Lérins, il y avait alors un monastère dans ces îles, - porte cette indication :

« in presentia et testimonio magistri Rollandi, abbatis insularum de Areis[iv]. »

Ce sont bien là les îles d'Hyères et non encore les Îles d'Or.

C'est seulement au XVI siècle, sous la plume de l'écrivain provençal Jean de Nostradamus, qu'on voit apparaître ce nom d'Îles d'Or. Dans la Vie des plus célèbres poètes provençaux, dont la première édition parut en 1515[v], il est longuement question d'un mystérieux personnage, aussi bon écrivain qu'habile enlumineur, qui, selon Nostradamus, aurait vécu aux îles d'Hyères au XIV e siècle. Ce personnage est celui bien connu sous le nom de Monge des Îles d'Or[vi] et c'est à son sujet que ce nom poétique, appliqué aux îles d’Hyères, est employé pour la première fois. Etait-il alors assez couramment en usage, ou bien le bon Nostradamus, à l'imagination fort vive, amie de la couleur, a-t-il tiré de son propre cru un nom que pouvaient justifier les orangers, alors nombreux dans les iles, et dont les fruits rappelaient les pommes d'or ravies par Hercule et que les Hespérides, filles très belles et très sages, faisaient garder par le fameux dragon ?

Le sol même des îles, comme celui de la région des Maures, est parsemé de paillettes de mica brillant au soleil et rappelant ce conte de Sinbad le Marin, où l'on faisait «sabler» d'or le chemin suivi par les princesses. Cette particularité pourrait également fournir une explication qu'on a entendu donner d'autre manière en indiquant que

«l'époque de la Renaissance, sous l'influence des idées poétiques enfantées par les études classiques, et en altérant légèrement l'antique nom de la ville d'Hyères (Areae ou Castrum Arearum), appela cet archipel les Îles d'Or (Aureæ insulæ)[vii].

Quoi qu'il en soit de ces diverses explications, il demeure acquis que le nom d'Îles d'Or, sorti de l'imagination des poètes, ne s'appliquait point à tout l'archipel provençal, composé des. trois îles principales de Porquerolles, de Port-Gros et du Levant, ainsi que de l'îlot de Bagaud. La plus importante des îles d'Hyères, Porquerolles, avait une existence distincte et constitua par la suite un fief indépendant de celui des Îles d'Or[viii]. Ce dernier comprenait les seules îles de Port-Cros, du Levant et de Bagaud.

II

Ces iles, au nom générique si harmonieux – véritable Thébaïde où, durant le moyen âge, vécurent dans la solitude de nombreux religieux – devinrent le repaire des pirates barbaresques. Ces pirates, marins de premier ordre, sillonnaient la Méditerranée occidentale, guettant les paisibles vaisseaux marchands, les pillant et réduisant en esclavage l'équipage et les passagers. Mais, leurs déprédations ne se bornaient point là ; les attaques en mer ne réussissaient pas toujours, n'étaient pas toujours fructueuses à leur gré.

Alors, les corsaires s'approchaient des côtes de Provence, dont ils connaissaient à merveille les points accessibles, et, à la faveur de la nuit, débarquaient, mettaient à sac les villages du littoral, faisaient prisonniers les habitants, hommes, femmes et enfants, et les conduisaient en Barbarie.

Tous les lieux habités de la côte, de Marseille à Nice, eurent à souffrir pendant des siècles des incursions des Barbaresques. Bien des fois, les habitants de ces nombreuses localités, se liguèrent, s'imposant de lourds sacrifices pour la défense de leur territoire et le rachat des malheureux retenus dans les fers en Barbarie.

Isolées, sans aucune défense contre les pirates, les iles d'Hyères ne tardèrent point à se dépeupler. Les Maures venus d'Afrique en firent alors une sorte de refuge, un véritable port d'attache où les barques musulmanes attendaient l'heure propice aux incursions chez le roi très chrétien, Dans ces iles retirées, devenues, leur grenier d'abondance, les Barbaresques rassemblaient le butin recueilli au cours de leurs déprédations le long des côtes provençales, Ils s'y étaient fortement établis, et on relève encore, sur place, des traces évidentes d'une occupation prolongée, à laquelle on tarda si longtemps de mettre fin en détruisant ou chassant les bandits qui désolaient la contrée.

Il fallut bien, pourtant, aviser au moyen de donner satisfaction aux plaintes fort vives qui, de toutes les communautés du littoral de la Provence, arrivaient aux autorités provinciales. Les procureurs du pays et les Etats provinciaux ne pouvaient que s'associer à ces doléances légitimes et les transmettre au roi en lui demandant d'ordonner des croisières et même de recourir à l'intervention, des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem pour chasser les infidèles. La présence des Maures dans le voisinage rendait impossible la culture des terres aux habitants terrifiés par la peur d'être enlevés et emmenés en Barbarie; le commerce des petits ports provençaux se trouvait anéanti et le pavillon royal livré aux pires insultes des pirates.

Le roi, au moins aussi sensible à ces outrages qu'à l'état misérable des populations, mit une garnison à l’ile de Porquerolles qu'il fit ensuite fortifier. Ces premières mesures eurent pour effet immédiat d'éloigner les Barbaresques ; François 1 er ne s'en tint pas là : afin d'assurer l'intégrité des autres îles, celles de Port-Cros, du Levant et de Bagaud, il conçut le projet de les ériger en marquisat en mettant à la charge du bénéficiaire les dépenses de fortifications et autres. C'était presque un aveu d'impuissance de la part de l'autorité royale, mais, en ce temps-là, la vision des choses était telle qu'on pensa, à coup sûr, avoir fait de la bonne politique en déchargeant le trésor royal de frais onéreux. Ces frais, le nouveau marquis les acquitterait volontiers, ne craignant point de payer trop cher un titre aussi recherché et aussi rare à une époque où n'existait en Provence qu'un seul marquisat, celui de Trans, érigé en 1505, au profit de Louis de Villeneuve.

I – Bertrand d’Ornezan, baron de Saint-Blancard

Ce ne fut point un haut magistrat, premier président ou président à mortier au Parlement, qui reçut investiture de ce marquisat. Le roi pensa, et non sans raison, qu'il devait conférer cette dignité nouvelle à un homme rompu aux choses de la mer, mûri dans l'art de la guerre, mieux à même que personne de réaliser le but proposé : la défense des îles d'Hyères contre les pirates barbaresques. Le choix royal se porta sur Bertrand d'Ornezan, baron de Saint-Blancard, conseiller et maître d'hôtel ordinaire, capitaine, puis général des galères de France. Pourvu de cette charge en 1521 il défit devant Toulon l'armée navale de Charles-Quint, commandée par Hugues de Moncade. C'était un marin de grand mérite et nul mieux que lui ne pouvait faire honneur au titre de marquis ; n'était mieux à portée de remplir les obligations imposées par les lettres-patentes d'érection rendues en sa faveur au mois de juillet 1531[ix].

Ces lettres patentes sont curieuses, et leur texte, inédit, croyons-nous, mérite d'être cité. Comme on n'eût point manqué de le faire plus tard, le roi ne prit pas la peine de déguiser, à l'aide d'une vague formule de chancellerie, le véritable motif de l'érection des trois iles en marquisat. Dans le préambule, il insiste complaisamment et non sans ingénuité sur le mobile qui le fait agir, il y insiste même plus que de raison et on voudrait voir l'érection du nouveau marquisat plutôt justifiée par les mérites très réels du bénéficiaire que par le désir trop évident chez le souverain de passer à autrui, moyennant compensation honorifique , une charge incombant directement à l'autorité royale…

« Comme nous ayons esté deuement informez et acertenez que, en nosdits pays de Prouvence, nous ayons, entre autres, troys ysles près et contiguë les unes des autres, à nous neuement appartenans, appellées les ysles d'Ières, situées et assises devant les villes d'Yères, Brigançon et Bourgme, au diocèse de Thollon ; lesquelles ysles ne sont pas seullement inutilles et de nulle valleur et prouffit, mais très préjudiciables et dommageables à nous et à la chose publicque de nosdits païs pour ce que c'est le repoz et reffuge des galleires, fustes, brigandins et autres navires de pirates mores, turcqs, et ennemis de nostre saincte foy catholique, et aussy de noz autres ennemis, en temps de guerre et hostillité, lesquelz navires des infidèles viennent descendre esd. ysles pour ilec eulx tenir et refreschir d'eaues et autres choses à eulx neccessaires, en actendant qui passe par cest endroict navires de noz subgectz et autres marchans chrestiens pour eulx gecter dessus et les piller, prendre et destrousser, et pareillement pour faire descente ès villaiges et bourgades d'iceluy nostre pays et conté, quand ilz voyent le temps propre et ilec prennent et enlèvent hommes, femmes et enfans noz subjeclz, et les emmènent prisonniers en leur païs, et après les vendent et transportent à gens qui les tiennent esclaves et font vivre en grant pouvreté, misère et calamité le reste de leur vie, et font regnier la foy au très grand déshonneur et scandalle de nostre dicte foy catholicque et à nostre très grand regret et desplaisir. Désirans de tout nostre cueur y mectre et donner ordre, sçavoir faisons que nous, ce considéré, et que ne sçaurions plus convenablement mectre lesd. ysles és mains de personnaige plus propre ne qui ait meilleur moyen de faire mectre en labour, nature et valleur ycelles ysles, et aussi en deffence pour obvier aux descentes desdits infidelles et ennemis, garder et conserver lesdits habitans et demourans en icelles, que fera nostre amé et féal Bertran d'Ornezam, chevalier, seigneur et baron de Saint-Blancard… »

Voilà qui est net : le roi veut « mettre ordre » aux brigandages des Barbaresques. Dans ce but il n'enverra point des galères ou une garnison à sa solde, il donnera simplement délégation à un personnage très distingué, ayant fait ses preuves contre les ennemis de l'Etat, le baron de Saint-Blancard :

« Ayant regard aux bons, vertueulx, agréables et très recommandables services qu'il a faitz depuis trente troys ans en çà, tant à nostre prédécesseur le feu roy Loys de bonne mémoire que Dieu absoille, que à nous au faict de noz guerres et armées, tant de terre que de mer, à la conduicte de plusieurs noz hommes d'armes, chevaulx-légiers, gens de pié que de gallaires, brigandins et autres vaysseaulx dont il a eu et encores a de présent la charge, et où il nous a très bien et vertueusement servi, fait encore et espérons qu'il fera cy après de plus en plus ; - à iceluy sieur baron de Sainct Blancard… donnons… lesd. troys ysles d'Yères, leurs appartenances et deppendances, ainsy qu'ils se comportent et poursuivent, la première appelée l'isle de Bagueau, confrontant devers le Ponant avec l’isle de Porquerolles ; la segonde, devers le Levant, appelée Porte Crox, et du cousté devers le Levant y a ung autre port appellé Porto Magno, et la tierce est appellée l'isle de Levant, où est assis ung port appelle le Titoul et dure jusques à ung petit roch qui s'apelle l'Esquilhade et est devers le soleil levant, et du cousté de terre ferme, devers Grego. et tremontane, et aux lieux de Cavallaire, Borme, Brigançon et Yères, et devers le Midi tirant à la Barbarie et du cousté de Sirocq et Levant, avec la Sardaigne et Corsegue ; - lesquelles ysles, nous avons créées et érigées, créons et érigeons en tiltre de marquisat et voulons doresnavent estre nommées les Ysles d'Or. ... »

III

Les lettres patentes de François I er consacraient officiellement le nom d'Îles d'Or déjà donné aux îles d'Hyères par Jean de Nostradamus. Le nom du marquisat était harmonieux plus qu'aucun autre, mais son revenu plutôt mince; il comportait plus de charges que d'avantages.

Mistral, l'immortel poète de la Provence, dans sa tragédie La reine Jeanne, fait ériger par cette souveraine les Îles d'Or en principauté au profit de Dragonet, son page préféré. Jeanne, dont le nom est demeuré si légendaire en terre provençale, part de Naples, sur la galère réale, pour se rendre en Avignon, devant le pape Clément VI. Elle passe à proximité des îles ; Dragonet veut y  cueillir un bouquet de genêts pour la reine ; celle-ci le fait prince de ces îles, sous le simple tribut, à acquitter tous les étés, d'une gerbe des fleurs d'or qui les embaument[x].

Voilà bien une gracieuse fantaisie de poète. La réalité est tout autre, et le baron de Saint-Blancard, premier marquis des Îles d'Or, par la grâce de François 1 er, ne s'en tira point à si bon compte.

Le roi, après avoir indiqué les raisons de l'érection, ne pouvait manquer d'en énumérer les conditions imposées au nouveau marquis. Les devoirs incombant à celui-ci étaient multiples, sans nul doute difficiles et onéreux à remplir puisque le baron de Saint-Blancard et ses successeurs ne semblent point s'être conformés aux ordres du souverain prescrivant l’édification d'ouvrages défensifs dont le coût ne devait être inférieur à cinquante mille écus, somme extrêmement considérable pour l'époque. De plus, il fallait entretenir le guet et parer à toutes les éventualités de l'attaque et de la défense.

En retour de ces lourdes charges, le marquis des Îles d'Or reçut des avantages qui ne coûtaient guère au trésor royal, celui, par exemple, de peupler les trois îles avec les criminels détenus dans les prisons des parlements. Saint-Blancard, capitaine des galères, avait bien souvent recruté ses rameurs dans les prisons royales parmi ceux qui avaient échappé à la roue ou à la mort ; il se trouva dans le cas de recueillir parmi ceux-ci des colons pour la mise en valeur de son fief. Il avait également droit de justice et de lever des impôts sur tout ce monde.

Enfin, comme le marquis des Îles d'Or aurait pu, dans son fief isolé, se croire souverain, monarque, absolu, son état de dépendance lui fut rappelé d'abord par l'hommage traditionnel, ensuite  par la redevance annuelle de dix mailles d'or et, à chaque mutation de seigneur par un don peu banal et bien caractéristique sous un roi comme François I er, grand amateur de la chasse au faucon, celui d'un de ces oiseaux de proie portant sonnettes d'or et vervelles[xi] aux armes royales, avec le chaperon de soie également aux armes royales et, au bas des longes, les armes du marquis des Îles d'Or. En outre, le roi se réservait, pour lui et son gouverneur en Provence, le droit de pénétrer librement et en armes, aussi souvent qu'il lui plairait, dans la forteresse à construire.

En même temps qu'il était fait marquis des iles d'Or, Bertrand d'Ornezan recevait le commandement du château-fort de Brégançon, en face des iles d'Hyères[xii]. En attendant une occupation effective de son nouveau fief, encore si peu habitable, il se trouvait à portée d'exercer une surveillance sur l'archipel et empêcher les infidèles qui en avaient été chassés d'y retourner prendre retraite.

C'est à Brégançon même que Pierre Vitalis, maître rational près la cour des comptes de Provence, officiellement délégué par cette cour, vint rejoindre le nouveau marquis et le mettre en possession des Îles d'Or. Mais, le 3 février 1532, au moment de se rendre aux îles, une tempête éclata et le débonnaire magistrat quoique accompagné d'un fin marin comme Saint-Blancard, ne se soucia point d'affronter les périls de la traversée. Lui et le marquis se rendirent simplement sur le rivage; là, en face de la mer en furie, le maître rational prit le marquis par la main droite et à distance, par-dessus les flots bleus, le mit en possession des îles qui se profilaient au loin, au milieu de la mer tourmentée[xiii]. Néanmoins, il fallait une prise de possession plus effective. Me Vitalis, pressé de retourner à Àix et désireux de ne point s'exposer au grand et imminent péril du voyage – et ad evitandum imminens periculum ! – délégua Pierre Cambe, bailli de Brégançon, pour procéder à cette formalité quand le temps le permettrait[xiv].

Il faut croire que le beau temps tarda à revenir; ce fut neuf jours après, le 13 février, que Saint-Blancard et le bailli Cambe se rendirent aux îles d'Hyères. En débarquant à Port-Cros, le seigneur toucha de sa main droite le sol de l'île, en signe de possession; il assista dévotement à la messe et à la bénédiction d'une croix de bois nouvellement plantée sur cette terre si souvent foulée par les Maures mécréants. Ce voyage s'effectua en grande solennité ; les trois galères de Saint-Blancard prirent la mer à celte occasion; elles avaient à leur bord une nombreuse assistance devant laquelle se déroula la cérémonie[xv]. Celle-ci terminée, le premier marquis
des Îles d'Or se trouva bien et dûment en possession de son fief. Il ne devait pas le conserver longtemps.

Après cette prise de possession solennelle, il restait au marquis le devoir de prêter hommage au roi. Il ne s'en acquitta point par devant la cour des comptes à Aix ; comme les seigneurs de haute marque, il prêta l'hommage et le serment de fidélité entre les mains du roi lui-même qui en avisa les autorités de Provence par lettres du 5 février 1534[xvi]. Ce document est même le dernier qui fasse mention de Saint-Blancard agissant en qualité de marquis des Îles d'Or. A la suite de circonstances et à une date que les archives provençales ne font point connaître d'une manière précise, le marquisat cessa d'être l'apanage de la maison d'Ornezan et fut réuni au domaine royal.

IV

II - Christophe comte de Rocquendorf et de Gundestorf

La possession de ce fief, à coup sûr plus onéreuse que profitable, est dévolue par Henri II, en décembre 1549, à un grand seigneur allemand réfugié en France pour raisons politiques, Christophe comte de Rocquendorf et de Gundestorf, baron de Molenbourg, seigneur de Condé et de Revaix, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi de France, grand maître héréditaire d'Autriche. La donation qui lui est faite revêt le caractère d'une compensation des biens délaissés en son pays par ce noble étranger…

« pour l'entière dévotion et affection qu'il porte à notre service s'est piéçà retiré auprès de nous, ayant délaissé et abandonné grandes terres et possessions qu'il tenoit en la Germanie et pays circonvoisins, délibéré et résolu de vivre tout le reste de ses jours en nostre dict service et y despendre sa vie et tout ce qu'il a et aura en ce monde sans rien y espargner…[xvii] »

Au bénéfice de ces lettres patentes, le comte de Rocquendorf devint marquis des Îles d'Or avec les mêmes avantages et les mêmes charges que Saint-Blancard. Ce dernier n'avait nullement assuré la défense des îles et, dix-huit ans après les lettres de François I er, les choses étaient dans le même état. Aussi le roi imposa-t-il à Rocquendorf les mêmes obligations qu'à son prédécesseur ; il lui accorda en sus le droit honorifique de faire figurer dans ses armoiries sept fleurs de lys d'argent.

« L'existence aventureuse du comte de Rocquendorf offre un intérêt trop romanesque, la concession qui lui fut accordée et dont il n'a pas joui bien longtemps, les considérants des lettres patentes qui mirent le seigneur allemand en possession des Îles d'Or, sont trop curieux pour que nous n'entrions pas dans quelques détails sur le rôle qu'il a pu jouer et sur les services qu'il a rendus à la France. Sans vouloir porter atteinte à la réalité de l'affection et du dévouement témoignés au roi Henri II par le comte de Rocquendorf, nous pouvons cependant affirmer que les véritables motifs qui dirigèrent sa conduite prirent leur origine dans un tout autre sentiment. Nous les découvrons dans les volumineuses correspondances que nécessitèrent les négociations de la France dans le Levant, et nous sommes en état de rétablir la biographie du réfugié allemand. Voici comment s'exprime à son sujet le sieur d'Aramon, ambassadeur de François I er près la Sublime Porte :

« Soliman II avait alors porté la gloire et l'influence musulmanes à leur plus haut degré. Le comte de Rocquendorf, mécontent de Charles-Quint, avait choisi la Turquie pour lieu de son séjour, uniquement parce que le Sultan paraissait être le plus irréconciliable ennemi de cet empereur. D'Aramon ajoute qu'ayant été chargé par ordre du roi de France, de rechercher à Venise ce qu'il pourrait apprendre sur Rocquendorf, il répond que «malgré ses recherches, il n'a trouvé quoi que ce soit, si ce n'est qu'ayant quelque différend avec sa femme, celle-ci fut tellement favorisée par l'Empereur contre lui, que n'ayant jamais pu obtenir d'être ouy dans son droict et lui ayant, le dict Empereur, osté la plupart de ses biens, pour favoriser sa dicte femme et, meu de ce à désespoir, s'est venu rendre au Grand Seigneur, comme au plus grand ennemi qu'ait icelui Empereur, en espérant, par son moyen, se pouvoir venger des torts qui lui ont été faicts ; n'a cessé, depuis sa venue d'en chercher les moyens, n'ayant faict que bons offices envers le Grand Seigneur.[xviii] » .

C'est donc en haine de Charles-Quint que Rocquendorf vint en France comme il alla plus tard en Turquie. Moins encore que Saint-Blancard, il se soucia de faire édifier à grands frais sur le territoire de son marquisat les ouvrages imposés par le roi. Du reste, tourmenté du désir de créer des embarras à son ancien souverain, il se rendit en Turquie, comme nous l'avons vu. Les gens du Grand Turc s'assurèrent de sa personne, et sa captivité se serait prolongée si Gabriel de Luetz, seigneur d'Aramon, ambassadeur de France à Constantinople, n'était intervenu en sa faveur et n'avait obtenu sa mise en liberté.

III - Gabriel de Luetz, seigneur d’Aramon

A son retour en France, le comte de Rocquendorf, animé dû désir de témoigner sa reconnaissance à Gabriel de Luetz et désireux, d'autre part, de se débarrasser d'un fief dont il escomptait si peu de profit, usa du droit à lui conféré par les lettres de don de disposer à sa volonté du marquisat des Îles d'Or. Par acte notarié souscrit à Paris, le 14 février 1552 (n. st.), environ deux ans après son investiture, il en fit don au sieur d'Aramon :

« … mesmement estant iceluy seigneur comte de Roquendolf, détenu prisonnier par les gens du Grand Seigneur Turcq, des mains desquels ledict seigneur d'Aramon l'auroict faict évader et l‘auroict remys en liberté, chose qui ne peult bonnement recepvoir estimation ne récompense suffisante, désirant de sa part le recougnoistre, icelluy seigneur comte de Rocquendolf fait donation dud. marquisat au sieur d'Aramon »[xix].

Cette donation fut confirmée par le roi au mois d'avril 1552[xx].

Peu d'années après, en 1560, Gabriel de Luetz, troisième marquis des Îles d'Or, mourait instituant héritières ses parentes, Jaumette de Grasse et Jacqueline des Estardes. Le 15 octobre de la même année, elles font hommage au roi à raison de la possession des Îles d'Or[xxi].

IV – Albert de Gondi, baron de Retz, maréchal de France

Gardèrent-elles bien longtemps ce fief onéreux ? On est assuré du contraire puisque, le 6 juillet 1573, Albert de Gondi, baron de Retz, maréchal de France, gouverneur de Metz, est qualifié marquis des Îles d'Or dans ses lettres de provision de gouverneur de Provence et d'amiral des mers du Levant[xxii]. Ce fief se trouvait donc entre les mains de l'un des premiers personnages du royaume.

V - Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny

A la mort du maréchal de Retz, il passa au fils de celui-ci, Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny, lieutenant général des mers du Levant, général des galères de France, le même dont Tallemant des Réaux raille si fort le peu de bravoure, malgré ses charges militaires.

Le 22 mai 1624, Louis XIII confirmait en sa faveur l'érection du marquisat,

«et pour ce que lesd. lettres d'érection dudit marquisat, … et de confirmation depuis donnée par le feu roy Henry second, il y a clause expresse qui porte que, pour la conservation desd. isles et de ceux qui y voudront habiter, et aussy pour empêcher la retraicte des corsaires qui y font ordinairement eigade et s'y rafraiçhissent, attendans l'occasion de piller les vaisseaux negotians sur la mer Méditerranée, et de descendre ez costes de nostre dict pays de Provence, - ceux qui posséderont lesdictes isles seront tenus de les fortiffier et d'y faire ce qui sera neccessaire pour la tuition et deffence de noz subjects dud. pays, et que led. sieur comte de Joigny, craint que pour avoir esté, lad. fortification, négligée par ses prédécesseurs on luy voulust débattre la jouyssance de lad. isle qui n'a esté érigée en marquisat qu'à cette condition, il nous a supplié et requis luy vouloir octroyer nos lettres de confirmation de lad. érection aux charges et conditions y contenues.[xxiii] »

Le roi confirma aux conditions imposées aux précédents possesseurs.

En 1633, lors de l'inspection des côtes de Provence ordonnée par Richelieu et opérée par le président de Seguiran, quelques ouvrages de défense existaient à Port-Cros[xxiv]. Avaient-ils été bâtis par le marquis des Îles d'Or, ou bien l'autorité royale, désespérant de voir jamais les possesseurs du fief faire élever les constructions nécessaires, se résigna-t-elle à y pourvoir elle-même? Nous ne saurions le dire.

V

VI - Gaspard de Covet, baron de Trets et de Bormes

Vers le milieu du xvn° siècle, le marquisat passa à Gaspard de Covet, baron de Trets et de Bormes, conseiller au Parlement de Provence. Nous n'avons relevé aucun hommage prêté par lui. Il mourut sans enfants et laissa ses biens, y compris les Îles d'Or, à son neveu Jean-Baptiste de Covet, gouverneur de la tour de Bouc et des îles de Port-Cros et du Levant, premier consul d'Aix et procureur du Pays en 1676.

VII - Jean-Baptiste de Covet, marquis de Marignane

Jean-Baptiste de Covet en faveur de qui, en 1647, la baronnie de Marignane fut érigée en marquisat, porta, sa vie durant, le double titre de marquis de Marignane et des Îles d'Or. Il fit hommage de ces deux fiefs le 7 novembre 1672, et déclara posséder le dernier par succession de son oncle Gaspard[xxv]. Il était tenu, comme le portaient les lettres d'érection de 1531 et 1549, à une redevance annuelle de dix mailles d'or évaluées à 3 1ivres 15 sols. Quant aux faucons avec sonnettes d'or dont il avait prétendu s'exonérer et dont on n'avait que faire en 1687, la chasse à l'aide de ces oiseaux de proie étant passée de mode, il fut décidé qu'ils seraient remplacés par une redevance en argent à fixer par experts[xxvi] .

VIII - Joseph-Gaspard de Covet, marquis de Marignane

Joseph-Gaspard de Covet, capitaine de cavalerie au régiment du Roi, fils de Jean-Baptiste, succéda à son père. Il prêta hommage en qualité de marquis des Îles d'Or, le 24 mai 1696[xxvii]..

IX - Joseph-Marie de Covet, marquis de Marignane

Continuant l'ordre normal de succession, Joseph-Marie de Covet, lieutenant-général des armées du roi, devint marquis de Marignane et des Îles d'Or à la mort de son père, Joseph Gaspard[xxviii].

X - Emmanuel-Anne-Louis de Covet, marquis de Marignane

Son fils, Emmanuel-Anne-Louis de Covet, enseigne des chevau-légers de la garde du roi, gouverneur de Port-Cros, beau-père du comte de Mirabeau, le célèbre tribun de l’Assemblée nationale, fut le à son tour marquis de Marignane et des Îles d'Or. Il rendit successivement hommage de ce fief en 1760[xxix] et dénombrement en 1764. Voici du reste la teneur de ce dénombrement :

«Dit (Louis de Covet) qu'il possède le marquisat des isles d'Or, vulgairement dites les isles d'Hyères, nommées Porte-Cros, Bagueaux et de Levant, diocèse de Toulon et viguerie d'Hyères, érigées en titre de marquisat par le roy François Ier, par lettres patentes du mois de juillet mil cinq cens trente-un, duement vérifiées et enregistrées ; icelles à luy advenues comme héritier de messire Joseph-Marie de Covet, son père.

«Dit que dans lad. terre, il a la haute, moyenne et basse juridiction, mère, mixte, impère, directe universelle, fonds et propriété desd. isles, le tout noble ; - tous droits seigneuriaux comme ils sont dénombrés et exprimés dans les actes d'inféodation, de vente et dénombrement, et comme ils peuvent être stipulés et réservés en cas que led. seigneur marquis veuille donner habitation dans lesd. isles[xxx].

Après un nouvel hommage à la suite de l'avènement de Louis XVI à la couronne, hommage prêté le 16 février 1778[xxxi], Louis de Covet vendit les Îles d'Or, moyennant le prix de 80.000 1ivres, à Jean-Joseph-Barthélemy-Simon de Savornin, major commandant de Port-Cros[xxxii], dont la particule n’établissait pas, pour autant, son appartenance à la noblesse.

Lorsque le 28 juin 1785, leur nouveau possesseur prêta à son tour l'hommage requis, ce fut à titre de simple détenteur de fief acquis à prix d'argent[xxxiii] et non de marquis des iles d’or.

Car depuis 1579, l’ordonnance de Blois stipulait que :

« Les roturiers et non nobles, achetant fiefs nobles, ne seront pour ce, anoblis ni mis au rang de degrés des nobles, de quelque revenu et valeur que soient les fiefs par eux acquis. »

XI - Auguste-Antoine de Sauvan, marquis d’Aramon

Le 19 mars 1786, à Versailles, Louis XVI, Marie-Antoinette et la famille royale signèrent le contrat de mariage[xxxiv] d’Auguste-Antoine de Sauvan, marquis d’Aramon, capitaine de Dragons au régiment de Conti avec Stéphanie de Mellet de Fayolle, fille de Louis de Mellet de Fayolle, gouverneur du pays de Perche, Maine et comté de Laval, lieutenant-général des armées du Roi, grand-croix de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, et d’Elisabeth Mélanie Le Daulceur.

Louis XVI, après avoir signé le contrat de mariage, se tourna vers le jeune marquis d’Aramon, âgé d’à peine 18 ans. Le roi l’autorisait, à ce que lui et sa descendance, porta aussi le titre de marquis des Iles d’or, qui avait appartenu à son aïeul Jean de Luetz, seigneur d’Aramon, à la condition que lui ou sa descendance se « donna habitation dans les dites isles. » [xxxv]

Les conditions imposées aux précédents possesseurs n’étaient plus ; titre et fief étaient démembrés depuis 1785[xxxvi]. Cependant, le marquisat des iles d’or subsistait, en cette veille de Révolution française…


 

 

Notes :

[i] A. Dexis, Hyères ancien et moderne. Promenades pittoresques, scientifiques et littéraires sur son territoire, ses environs et ses iles, 4e éd. parle Dr Chassinat, Hyères, imp. Souchon, in-8°, 672 p. Cet ouvrage, plein de renseignements utiles et intéressants, est totalement dépourvu de références. L'auteur a évidemment recouru aux sources, aux documents originaux, mais il a sciemment omis de les citer, « la difficulté de se les procurer, dit-il (p. 663) rendrait en quelque sorte inutile l'indication que nous pourrions en donner». Cet aveu nous a paru mériter les honneurs d'une citation.
[ii] E. Desjardins, Géographie, de la Gaule romaine.
[iii] Elles (les Stœchades) tiraient, leur nom, dit encore Desjardins, de l'ordre même dans lequel elles étaient rangées (στοῖχος, rangée, Pline, III, XI (v) 3) ou, selon Dioscoride, qui les nomme Stichades, elles l'empruntaient à une herbe qu'il décrit comme assez semblable au thym et qu'il appelle Sticha (Dioscor. III, 31) »
[iv]
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Livre rouge de l'archevêché d’Arles, f° 463, et Livre vert, f° 383 v°.
[v] Jean de Nostradamus, Vie des plus célèbres poètes provençaux, petit in-12, Lyon, 1515.
[vi]
Le vrai nom de ce personnage serait, François d'Oberto, appartenant à la famille de Cibo, de Gènes.
[vii]
Vivien de Saint-Martin, Dictionnaire de Géographie, art. Hyères.
[viii]
Porquerolles avait été érigée en marquisat en 1658, au profil de François Molé, maître des requêtes, fils du célèbre président Molé, garde des sceaux de France.
[ix]
Archives des Bouches-du-Rhônc, B., reg. 29 (Sagittarius), f° 239 v°
[x]
F. Mistral, La reine Jeanne, éd. Lemerre, p. 233
[xi]
Anneaux fixés aux courroies qui tenaient les oiseaux par les pattes, et portaient le nom ou les armes de celui à qui l'oiseau appartenait.
[xii]
Lettres de provision données à Paris, le 5 juin 1531 (Archives des Bouches-du-Rhône, B reg. 39 (Sagittarius), fol. 344 v°).
[xiii]
Procès-verbal enregistré à la suite des lettres d'érection (Archives des Bouches-du-Rhône, ibid., fol. 243).[xiv] Lettre de Vitalis, maître rational, 4 février 1533 n. st. (ibid., fol. 243 v°).
[xv]
Procès-verbal dressé par Pierre Cambe, bailli de Brégançon (ibid., fol. 243 v°).
[xvi]
Archives des Bouches-du-Rhône, B 30, fol. 296 v°.
[xvii]
Ibid., B 41 (Hyrundivis), fol. 276
[xviii] A. Denis, op. cit., p. 201.
[xix]
Archives des Bouches-du-Rhône, B 43, (Elephantis), f° 71 v°.
[xx]
Ibid., f° 74.
[xxi]
Ibid., B789, f° 417.
[xxii]
Ibid., B (Amirauté de Marseille); reg. I, f° 359.
[xxiii]
Archives des Bouches-du-Rhône, B 90 (Prudentia), f° 449.
[xxiv]
Procès-verbal publié dans la Correspondance de Sourdis, t. III, coll. des documents inédits sur l'histoire de France.
[xxv]
Archives des Bouches-du-Rhône, B 796, f° 70 v°.
[xxvi]
Etat des droits du roi en Provence (ibid., B 1493 f° 232).
[xxvii]
Etat des droits du roi en Provence (ibid., B 1493 f° 232).
[xxviii] Ibid, B797, f° 129, v°. [xxix] Ibid, B 803, f° 258, v°.
[xxx]
Ibid, B 805, f° 251.
[xxxi]
Etat des droits du roi en Provence, B 806, f° 211.
[xxxii]
Ibid., B 809, f° 255.
[xxxiii]
Ibid., B 8 :0, f° 172.
[xxxiv]
Archives Nationales, MC/RS//1277
[xxxv]
Archives Nationales, T74
[xxxvi]
Etat des droits du roi en Provence, B 806, f° 172.